Journée nationale de lutte contre l’antisémitisme- 20 mars 2022
« L’antisémitisme, la haine des juifs est antique. Il apparaît comme un virus qui infecte le monde depuis toujours. Il ne cesse de se renouveler, de migrer à travers les siècles, il s’adapte constamment aux temps et aux circonstances […]. En France des juifs sont assassinés pour la seule raison d’être juif, comme le 19 mars 2012, il y a dix ans exactement, les enfants Gabriel et Arié Sandler et Myriam Monsonégo avec Jonathan Sandler dans leur école de Toulouse. […] Aujourd’hui, l’urgence, c’est la lutte vitale contre ce poison, ce cancer qui ronge la société. Il est de notre responsabilité de citoyens, croyants ou non, de ne pas laisser les juifs seuls face à ce fléau, de lutter sans relâche, déterminés, contre l’antisémitisme. » (J-D. Durand)
Dans cette perspective, le 20 mars 2022 — la date avait été intentionnellement choisie pour être la plus proche de celle des dix ans du drame de Toulouse ―, l’Amitié Judéo-Chrétienne de France a organisé une « Journée nationale de lutte contre l’antisémitisme », afin d’interroger des responsables du monde de l’éducation, des médias et des religions sur leur manière d’aborder ce problème. Ce numéro propose les Actes de cette journée. On trouvera ici, après les allocutions de Jacques Fredj, Directeur du Mémorial de la Shoah, qui accueillait la manifestation, de Jean-Dominique Durand, Président de l’AJCF, et des messages de S.E. Mgr Celestino Migliore, Nonce Apostolique, et de Samuel Sandler, Président d’Honneur de la journée, l’ensemble des interventions des différents intervenants regroupées selon les trois grands thèmes retenus.
Dans un premier temps, sous le titre « Responsabilité de l’éducation », Sylvie Altar, enseignante, propose un rapide constat de la situation de l’« antisémitisme à l’école », tandis que Joseph Herveau, diacre permanent et secrétaire général de l’enseignement catholique, présente comment ce dernier aborde sa contribution éducative à l’édification d’une société respectueuse des différences. De son côté, Jean-Pierre Obin, inspecteur général de l’éducation nationale et auteur du rapport de 2004 sur « les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires », cherche à décrire, à partir d’une série d’enquêtes récentes, l’évolution des « atteintes à la laïcité, aux valeurs de la République et à la dignité humaine dans les établissements scolaires ». Enfin, Hubert Strouk, directeur adjoint du service pédagogique du Mémorial de la Shoah, présente l’effort pédagogique fait par le Mémorial pour s’impliquer directement dans la lutte contre l’antisémitisme.
Le second temps a été consacré à l’analyse de la « Responsabilité des intellectuels et des médias ». En l’absence des personnalités politiques pressenties mais empêchées à participer à la réflexion par le contexte pré-électoral du second trimestre 2022 (élections présidentielles), on trouvera les interventions de Madame Milena Santérini, coordinatrice nationale pour la lutte contre l’antisémitisme à la Présidence du Conseil italien qui présente les grandes lignes de la politique italienne en matière de lutte contre l’antisémitisme ; le Père Laurent Stalla-Bourdillon, Directeur du Service pour les professionnels de l’information du diocèse de Paris, qui propose d’analyser la responsabilité des intellectuels et des médias à partir de trois remarques : le constat de la sécularisation de la société française, le rôle des médias devenus les premiers prescripteurs de connaissances religieuses et les conséquences de l’apparition de la société numérique sur le processus de la transmission ; enfin, Jean-Dominique Durand qui a voulu insister sur l’importance cruciale de la connaissance historique pour la compréhension des phénomènes tels que l’antisémitisme, une « connaissance » qui est aujourd’hui largement mise à mal.
La troisième partie : « Responsabilité des religieux » a permis aux responsables religieux de faire le point sur leur perception de l’antisémitisme et leur manière de l’aborder. C’est ainsi que le Rabbin Michel Serfaty, président de l’Amitié judéo-musulmane de France, s’est interrogé, à partir de son expérience, sur la place de l’enseignement du judaïsme dans les programmes de formation des prêtres et des imams ; que Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, cherche à définir théologiquement la tâche des confessions chrétiennes face à l’antisémitisme, et rappelle que la vocation de l’humanité ne peut s’accomplir que « dans la recherche inlassable, persévérante, courageuse, d’une fraternité concrète avec tous les humains » ; que le Pasteur François Clavairoly, alors président de la Fédération protestante de France, en partant de sa propre expérience de pasteur, affirme la conviction que le judaïsme doit, dans sa diversité, être un partenaire privilégié des autres confessions religieuses elles aussi diverses ; que le Rabbin Moché Lewin propose une sorte de bilan de ce qui a déjà été fait en matière d’enseignement à la diversité et ce qui reste à faire ; que Khaled Larbi, Imam référent de la Grande Mosquée de Paris, présente son expérience du dialogue et les efforts faits à ce sujet pour adapter le programme de la formation des imans.
Ajoutons seulement que ce numéro, exceptionnellement de 128 pages, se clôt d’une part sur la « conclusion » de Jean-Dominique Durant et des extraits du « débat » qui a suivi les exposés ; et d’autre part par une série de recensions (livres et revues).
Sommaire
2023 : année Jules Isaac (Y. Chevalier)
Journée nationale de lutte contre l’antisémitisme (20 mars 2022)
Allocution d’ouverture (J. Fredj)
Message du Nonce apostolique (S. E. Mgr C. Migliore)
Message de S. Sandler
Introduction (J.-D. Durand)
Responsabilité de l’éducation
Antisémitisme à l’école (S. Altar)
L’école catholique, un laboratoire de fraternité (J. Herveau)
Lutte contre l’antisémitisme : responsabilité de l’éducation (J.-P. Obin)
Au Mémorial de la Shoah : éducation et formation (H. Strouk)
Responsabilité des intellectuels et des médias
Présentation (P. Moyon)
La lutte contre l’antisémitisme en Italie (M. Santerini)
Rôle des intellectuels et des medias (Père L. Stalla-Bourdillon)
L’histoire, connaissance du passé (J.-D. Durand)
Responsabilité des religieux
Présenter correctement le juif et le judaïsme (Rabbin M. Serfaty)
L’antisémitisme est un poison de l’âme (Mgr É. de Moulins-Beaufort)
Un engagement pour les Églises (Pasteur F. Clavairoly)
Une partie du travail a été faite, mais il reste encore beaucoup à faire (Rabbin M. Lewin)
Se tendre la main et se connaître (K. Larbi)
Conclusion (J.-D. Durand)
Débat
Les Livres
Un Juif Cardinal. Aron Jean-Marie Lustiger : qu’en est-il de l’héritage ?sous la direction de
J. Duchesne et S. Lacout (Sœur P. Vincette), Jean-Marie Lustiger. Entre crises et recompositions catholiques (1954-2007), sous la direction de
D. Pelletier et B. Pellistrandi (B. Charmet), La mort à vif. Essai sur Paul de Tarse,par R. Lévy (P. Sabater Pardo)
Au temps de la lumière. Une catholique russe au cœur du renouveau spirituel et intellectuel français, par H. Iswolsky (B. Charmet)